INDECOSA CGT ECRIT
A MONSIEUR LE PREMIER MINISTRE
Monsieur le Premier Ministre,
Nous vous adressons ce courrier, faute d’interlocuteur identifié dans votre gouvernement, couvrant le vaste domaine qu’est la consommation et les associations y afférent, incluant les usagers du service public. Notre association s’interroge sur l’absence de cet interlocuteur. Nous aurions apprécié de pouvoir attirer son attention sur les points majeurs.
De manière générale, notre association s’inquiète du devenir des lois et autres orientations en la matière décidées par le gouvernement précédent.
En outre, parmi les premières préoccupations des ménages en France, le coût de la vie occupe une place importante. De nombreux sondages et de nombreux témoignages de nos militants aux quatre coins du pays confirment l’urgence des mesures à prendre, notamment concernant les produits de première nécessité, la tarification gaz et électricité, les carburants, le logement, l’accès aux soins, l’accès au crédit et à la protection du consommateur.
En tant qu’association de terrain, nous ne sommes pas surpris de ces témoignages qui relatent bien les difficultés que rencontre une majorité de ménages dans leur vie quotidienne.
Il se dégage, dans la plupart des cas, un sentiment d’abandon par les pouvoirs publics.
Nous sommes convaincu que pour inverser durablement cette situation, il faut traiter en priorité les questions du pouvoir d’achat, de fiscalité et de logement, notamment pour les tranches d’âge exposées, comme celle des moins de 25 ans qui connaissent une grande précarité et les pires difficultés pour assurer leur autonomie, comme pour les personnes âgées, souvent seules.
Le précédent gouvernement avait fait de la loi de modernisation de l’économie (UME) son principal outil pour paraît-il redonner du pouvoir d’achat aux consommateurs.
Il s’agissait selon lui de renforcer la concurrence entre les enseignes de la grande distribution qui représentent plus de 85% du commerce dans notre pays.
Comme vous le savez, le résultat « espéré » n’a pas été au rendez-vous puisque, par exemple, les prix des produits de base ont fortement augmenté.
On ne peut que constater une augmentation importante du panier moyen pour un consommateur.
De même, l’accès aux besoins fondamentaux comme les carburants, l’énergie, les loyers pèsent énormément sur le budget des ménages. Selon le CREDOC, le poids des dépenses contraintes dans le budget des classes moyennes inférieures est passé de 21ù en 1979 à 38% en 2005 et de 24% à 48ù pour les plus pauvres.
Pour INDECOSA CGT, plusieurs mesures doivent être prises concernant particulièrement le pouvoir d’achat :
- baisse voire suppression de la TVA sur les produits de première nécessité, les initiatives comme le « chariot breton du Lefèvre » ont montré leur limites car trop restrictifs.
- Interdiction de toute forme de spéculation sur les produits alimentaires de base ou transformés.
- Renforcement des pouvoirs de l’observatoire des prix et des marges en prévoyant la possibilité de sanction des centrales d’achat qui ne fournissent pas les informations nécessaires.
- Pour les charges contraintes, il faut garantir à chaque individu l’accès à l’énergie et à l’eau. Les dispositifs actuels notamment pour la précarité énergétique sont perfectibles et bon nombre d’ayants droits ne sont pas reconnus. Le plafond mensuel fixé à 632€ par ménage n’est pas du tout adapté sachant que le seuil de pauvreté est fixé par l’INSEE à 950€. De plus la tarification sociale systématique peine à se mettre en place en territoire et les bailleurs sociaux rechignent à fournir les informations obligatoires aux locataires.
- Pour le logement social, il faut renforcer le dispositif de contrainte pour obliger certaines communes aisées à assurer la mixité sociale. Il faut revenir sur la loi Boutin et plafonner certains surloyers qui sont à la limite du tolérable pour de nombreux ménages, notamment dans les grosses agglomérations. Sous couvert de justice sociale, cette loi a permis dans certains cas de forcer les locataires à quitter leur logement et à favoriser la spéculation dans le cœur des grandes villes.
- Pour le domaine bancaire, nous demandons la mise en place d’un service bancaire universel gratuit, la centralisation totale à la CDC des fonds collectés sur les livrets A afin de mieux financer le logement social, à réglementer davantage le crédit revolving pour diminuer le surendettement, à revisiter la convention AERAS pour tendre vers une mutualisation totale et ainsi permettre aux malades ou anciens malades d’emprunter.
Toutes ces propositions peuvent être discutées au sein du Conseil National de la Consommation. Celui-ci doit redevenir le « parlement des consommateurs » en favorisant les débats contradictoires entre les entreprises, les consommateurs et les pouvoirs publics.
Au cours du mandat précédent, trop de décisions ont été prises sans débat préalable au CNC.
D’autres questions sont sur le devant de la scène concernant par exemple le service public, le rôle et la place des associations de consommateurs et d’usagers dans la définition et la mise en place des politiques publiques, le poids de l’Europe sur le droit consumériste et la représentation des consommateurs auprès de ses structures.
Enfin, nous demandons de vraies mesures pour permettre aux associations de consommateurs de jouer leur rôle. Cela suppose des moyens supplémentaires, notamment financiers. Ces derniers ont stagné depuis plus de 7 à 8 ans et ont régressé ces deux dernières années. De plus, la transparence dans les critères d’attribution et pour les montants des subventions avec une réévaluation régulière doit être instaurée.
Nous proposons aussi un renforcement de l’arsenal juridique pour la mise en place des actions de groupes, la création d’un statut du militant associatif afin de générer les moyens nécessaires à la participation aux réunions de concertations, avec un congé de représentation. Pour nous, « ce moyen » ne doit pas être l’exclusivité des associations familiales ou des représentants d’entreprises.
C’est à partir de ces sujets essentiels, que notre association souhaite échanger avec vous ou avec le (la) représentant(e) du gouvernement en charge de ces questions.
Je vous remercie de l’attention que vous porterez à ce courrier.
Dans l’attente d’une réponse favorable à notre sollicitation, je vous prie d’agréer, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de ma très haute considération.
William Jacquillard
Président